Après cinq mois d’enquête et plus de 50 auditions d’acteurs de la santé, la Commission d’enquête sur la pénurie de médicaments dont je suis membre a rendu son rapport le 6 juillet. Notre constat est sans appel. Absence de stratégie politique, dilution des responsabilités, opacité des financements publics aux laboratoires et relocalisations d’affichage : il est urgent de reconstruire une vraie politique du médicament.
De 700 signalements de ruptures de stock en 2018, nous sommes passés à plus de 3 700 l’hiver dernier. Les pénuries s’aggravent, notamment sur des traitements anti-cancéreux et le gouvernement n’apporte toujours pas les réponses que nous attendons.
Après avoir questionné les acteurs de la santé durant 5 mois (ministres, agences, laboratoires…), je ne peux que constater les failles immenses de notre politique médicament, auxquelles s’ajoutent des dépenses publiques aussi considérables qu’opaques.
Les dysfonctionnements de la chaîne d’approvisionnement sont pourtant connus depuis plusieurs années. Après avoir abandonné la quasi-totalité des molécules à la sous-traitance en Asie, nous sommes dépendants du marché mondial pour des produits stratégiques en matière de santé.
Premier pays producteur de médicaments en Europe jusqu’au début des années 2000, la France a dégringolé à la cinquième place.
Avoir considéré les médicaments comme des marchandises est une erreur, puisque les médicaments dits matures, comme l’amoxicilline ou le paracétamol, sont devenus peu rentables pour les laboratoires.
« Dans les prochains mois ou années, les industriels français envisagent l’abandon de 700 médicaments anciens », selon les prévisions de ma collègue Sonia de la Provôté, présidente de la Commission d’enquête. Nos travaux ont conduit le ministère à travailler sur une liste de médicaments essentiels qui doit être rendue prochainement, en espérant endiguer les pénuries récurrentes pour ces produits prioritaires.
La Commission donne 36 pistes de réflexions pour agir
« Créer un secrétariat général au médicament qui centralise et coordonne les dispositifs existants et dispersés, relocaliser la production en Europe avec des prix régulés, contrôler les stocks des industriels et en cas de manquement, infliger des sanctions réellement dissuasives font partie des recommandations ».
> Cesser les financements sans contrepartie, une priorité absolue
Les aides publiques et incitations fiscales à l’industrie pharmaceutique doivent être impérativement recentrées sur un objectif de production en Europe, et améliorer la transparence quant à leur utilisation.
710 millions d’euros de crédit impôt – recherche (CIR) par an à l’industrie pharmaceutique
>Il faut mettre fin à l’opacité : malgré ses prérogatives, la Commission d’enquête a eu de grandes difficultés pour obtenir de Bercy les documents relatifs au du crédit impôt – recherche (CIR) octroyé à l’industrie pharmaceutique.
« Au bout de nombreuses relances et même menaces, nous avons obtenu une liasse de Bercy qu’il a ensuite fallu décoder », explique la rapporteure Laurence Cohen. « Il faudrait pouvoir faire le bilan du CIR secteur par secteur, il y a clairement un problème de transparence », a estimé Sonia de la Provôté, en insistant sur la conditionnalité des aides.
Certains dispositifs gouvernementaux – comme les aides à la relocalisation- ont été mis en place avant « l’établissement d’une stratégie cohérente », et ont finalement peu servi à une politique de relocalisation.
https://www.senat.fr/rap/r22-828-1/r22-828-1-syn.pdf https://www.senat.fr/fileadmin/Structures_temporaires/commissions_d_enquete/CE_penurie_medicaments/infog_recos_medicament_VF.pdf