Loi « Séparatismes »: principales mesures à connaître pour les maires

La loi confortant le respect des principes de la République a été publiée le 25 août 2021, après avoir été validée en grande partie par le Conseil constitutionnel. Au Sénat, nous avons voté une question préalable, actant le désaccord avec le gouvernement et mettant fin aux débats. En cause : le rejet de nos propositions sur la neutralité religieuse en milieu scolaire et sur l’instruction en famille, notamment.

Les principales mesures pour les collectivités et les élus locaux

Respect des principes de neutralité et de laïcité

Il est étendu aux agents publics, aux entreprises délégataires d’un service public, aux services de transport de voyageurs et aux bailleurs sociaux, et à tous les élus : « pour les attributions qu’ils exercent au nom de l’État, le maire ainsi que les adjoints et les membres du conseil municipal agissant par délégation du maire (…) sont tenus à l’obligation de neutralité et au respect du principe de laïcité.»  Concernant les agents de la police municipale, ils doivent déclarer solennellement avant leur prise de fonction « servir avec dignité et loyauté la République, ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité et sa Constitution par une prestation de serment. » 

Les collectivités et leurs établissements publics doivent désigner un « référent laïcité ». Celui-ci est « chargé d’apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout fonctionnaire ou chef de service qui le consulte. Il est chargé d’organiser une journée de la laïcité le 9 décembre de chaque année. » 

Le gouvernement souhaite nommer les référents laïcité la fin de l’année 2021. Un décret, annoncé pour la fin de l’année précisera les conditions d’application.

Sanctions pénales

La loi instaure une nouvelle infraction dans le Code pénal, punissant de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende «  le fait d’user de menaces ou de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation à l’égard de toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public, afin d’obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service ». 

Lorsqu’elle est informée de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique de l’un de ses agents, « la collectivité publique prend, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits ».

« Déféré-laïcité » 

La loi institue une procédure permettant au préfet de demander la suspension d’un acte mettant gravement en cause la laïcité, le juge devant se prononcer dans les 48 h suivant la saisine (par exemple, la mise en place d’horaires différenciés dans les équipements municipaux ou l’instauration de menus communautaires à la cantine).  Une circulaire permettra la mise en œuvre du déféré laïcité avant fin octobre.

Nouvelle infraction

Le texte crée dans le Code pénal une nouvelle infraction : il prévoit qu’« est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait d’user de menaces ou de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation à l’égard de toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public, afin d’obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service ». 

Lorsqu’elle est informée de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique de l’un de ses agents, « la collectivité publique prend, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits ». 

Contrat d’engagement républicain

Toute association ou fondation bénéficiaire de subvention, notamment de la part d’une collectivité locale, devra signer un « contrat d’engagement républicain »  par lequel elle s’engage à « respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République », « à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République »  et à « s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public. »  Un décret fixera le contenu du contrat et les sanctions applicables.

Les associations cultuelles ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, « recevoir des subventions de l’État ni des collectivités territoriales ou de leurs groupements ». « Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations ainsi que pour travaux d’accessibilité aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques », précise la loi. 

Instruction en famille

L’ Assemblée nationale a maintenu l’article 49 sans tenir compte des vives critiques des familles concernées ni des amendements proposés par le Sénat. Au lieu de la simple déclaration actuelle, le texte instaure un régime d’autorisation préalable de l’État, qui donne un pouvoir inédit à l’autorité administrative, au prétexte de lutter contre le communautarisme ! L’instruction en famille sera désormais soumise à 4 critères : l’état de santé de l’enfant ou son handicap, la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, l’itinérance de la famille ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public.

=>Au Sénat, nous avions rétabli le système actuel de déclaration des parents auprès du maire de leur commune et des services de l’éducation nationale. Le nouveau régime d’autorisation introduit par le gouvernement est en effet une atteinte manifeste à la liberté d’enseignement, et nous l’avons supprimé. En Alsace, 340 familles sont concernées, soit environ 1000 élèves.

Le groupe Les Républicains avait saisi le Conseil constitutionnel d’un recours contre ce dispositif, faisant valoir que l’instruction en famille est une composante du principe de liberté d’enseignement, principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Dans sa décision du 13 août dernier, le Conseil constitutionnel ne partage pas ce point de vue et estime que l’instruction en famille n’est qu’une « modalité de mise en œuvre de l’instruction obligatoire » et non une composante de la liberté d’enseignement. Le Conseil constitutionnel n’a pas reconnu non plus l’atteinte à la liberté d’opinion et à la liberté de conscience que nous dénoncions. Nous serons donc particulièrement attentifs à la mise en œuvre de ces dispositions et au contenu du décret qui devrait être publié prochainement par le Conseil d’Etat.

Le régime à venir

Le maire et le président de conseil départemental seront informés de l’autorisation. Afin de renforcer le suivi de l’obligation d’instruction par le maire et l’État, la loi prévoit que « chaque enfant soumis à l’obligation d’instruction (…) se voit attribuer un identifiant national ». Elle prévoit aussi la création d’« une instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire »  associant notamment « les services municipaux concernés, le conseil départemental », dont un décret précisera le fonctionnement. 

A noter : les enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l’année scolaire 2021-2022 bénéficieront tout de même d’une autorisation accordée de plein droit pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024.

Mariages, polygamie

Le texte renforce la lutte contre les mariages forcés. L’officier de l’état civil pourra demander « à s’entretenir individuellement avec chacun des futurs époux lorsqu’il a des raisons de craindre, au vu des pièces fournies par ceux-ci, des éléments recueillis au cours de leur audition commune ou des éléments circonstanciés extérieurs reçus, dès lors qu’ils ne sont pas anonymes, que le mariage envisagé soit susceptible d’être annulé (…) », prévoit la loi. La polygamie devient un motif de retrait ou de refus de titre de séjour.

Marchés publics

La loi impose que les clauses des marchés publics et des contrats de concession d’un service public rappellent l’égalité des usagers au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Les contrats doivent également préciser les modalités de contrôle et de sanction ».

Pour en savoir plus :
https://www.economie.gouv.fr/daj/loi-du-24-aout-2021-confortant-le-respect-des-principes-de-la-republique-quelles-consequences

Construction ou location d’un lieu de culte

La loi autorise une commune ou un département à « garantir les emprunts contractés pour financer la construction, par des associations cultuelles ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, par des établissements publics du culte ou par des associations inscrites de droit local à objet cultuel, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux ». La commune ou le département doit en informer le préfet de département « au moins trois mois avant »  que la garantie soit accordée. 

Concernant les permis de construire, la loi prévoit dans le Code de l’urbanisme que « le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale recueille l’avis du Préfet si le projet porte sur des constructions et installations destinées à l’exercice d’un culte. » Pour les locations, « lorsque le bail a pour objet l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public », la collectivité territoriale informe le préfet de département de son intention de conclure un tel bail « au moins trois mois avant sa conclusion. » 

Fonctionnement du lieu de culte

Les réunions politiques dans un local servant habituellement à l’exercice du culteou dans ses dépendances sont désormais interdites. Nous nous sommes opposés à cette mesure pour les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle lors de l’examen du texte au Sénat. Notre amendement n’a pas été retenu par les députés, comme la plupart des mesures proposées par le Sénat sur ce texte.

->Prochaine étape : un document présentant les enjeux des nouvelles mesures législatives pour les collectivités locales sera diffusé via les réseaux des associations d’élus et les préfets. Ce document sera présenté dans chaque département, à l’occasion de l’assemblée annuelle des associations départementales de maires, à l’automne 2021. Il reviendra notamment sur la mise en place du contrat d’engagement républicain par les collectivités locales et sur le déféré laïcité.