Tocsin : Rebondissement dans l’affaire McKinsey, une Sénatrice dévoile tout !

Mon interview sur les derniers développements judiciaires et la suite de la Commission d’enquête du Sénat sur un « phénomène tentaculaire ».

Retour sur l’historique du scandale McKinsey

Trois procédures pénales sont ouvertes par le Parquet National Financier depuis mai 2022 :

  • L’une cible les soupçons de fraude fiscale concernant McKinsey, dont le siège avait été perquisitionné en mai 2022. Le cabinet n’a quasiment pas payé d’impôt sur les sociétés de 2011 à 2021.
  • Une seconde, ouverte en octobre 2022 concerne les comptes de campagne d’Emmanuel Macron pour 2017 et 2022 et vise à éclaircir les interventions « à titre gratuit » du cabinet McKinsey dans la campagne.
  • La troisième, pour « favoritisme » et « recel de favoritisme », débuté en octobre 202, est à l’origine de la récente perquisition au Ministère de la Santé le mercredi 29 mai 2024. Plusieurs contrats de l’Etat avec McKinsey n’ont pas fait l’objet d’un marché public.

Au commencement : le rapport de la Commission d’enquête du Sénat publié en mars 2022, pilotée par Eliane Assassi (PC) et Arnaud Bazin (LR), sur l’influence des cabinets de conseil et les milliards dépensés par le gouvernement et l’Elysée, pour des missions dont la justification et la transparence posent de sérieuses questions.

Sur McKinsey :

McKinsey est l’exemple le plus répresentatif du recours massif à ces cabinets de conseil, nous l’avons vu lors de la Crise sanitaire, quand les consultants ont quasiment remplacé la haute administration dans la politique.

Il y a eu la fameuse « task force » Covid au sein de Ministère de la Santé dirigé à l’époque par Olivier Véran.

Au moins 68 commandes sont passées, pour un montant total de 41,05 millions d’euros.

Plus de 50 millions d’euros ont également été dépensés en matière informatique, avec le passe sanitaire, l’applifcation Stop Covid etc.

-En 2021, les dépenses de conseil ont dépassé le milliard d’euros, contre 379 millions d’euros en 2018. Et ce n’est qu’une estimation minimale car les dépenses sont en réalité plus élevées.

La commission d’enquête n’a pas pu recenser toutes les dépenses des opérateurs publics, trop tentaculaires ( en plus de McKinsey, on peut citer Accenture, CapGemini, Roland Berger).

Ce « phénomène tentaculaire » pose aussi la question de la souveraineté de l’Etat face à ces cabinets qui interveniennent dans le secteur de la Défense par exemple.

-Un rapport de la Cour des comptes en décembre 2022 a confirmé les travaux du Sénat :

« L’urgence sanitaire, souvent invoquée par l’exécutif, ne pouvait suffire à tout justifier et passer les marchés dans des délais courts sans mise en concurrence, ni négociation ». McKinsey a été bénéficiaire de sept contrats autour de la campagne de vaccination contre le Covid-19, pour un total de 11,6 millions d’euros.

Lien vers l’Essentiel de la Commission d’enquête (8 pages)

http://www.senat.fr/rap/r21-578-1/r21-578-1-syn.pdf

AUJOURD’HUI :

– Le gouvernement n’est toujours pas au rendez-vous en matière de transparence.

-Il n’a pas publié les listes exhaustives de ses prestations de conseil et ne donne toujours pas accès aux journalistes sur les commandes de l’Elysée pour le 1er quinquennant Macron, par exemple.

  • Au Sénat, sur notre proposition de loi votée en octobre 2022 pour encadrer les acrtivités des cabinets de conseil :

-Le texte a été considérablement allégé par les deputes et le gouvernementr, son applicatoon est plus restriente. L’Assemblée a voulu parasiter le texte en ajoutant un volet sur les collectivités locales, alors que ce n’est pas le cœur du sujet.

-Mon collègue Arnaud Bazin a fait état des interventions du gouvernement pour dévitaliser notre  proposition de loi et l’enliser par tous les moyens.

Par exemple, les députés ont supprimé une disposition importante du texte, qui prévoyait un pouvoir de sanction par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en cas de conflit d’intérêts ou d’entorse aux obligations déontologiques

Une deuxième lecture a eu lieu au Sénat en mai, nous sommes revenus à l’objectif initial, mais bien  sûr le dernier mot revient à l’Assemblée nationale.

CONCLUSION : LE GOUVERNEMENT ET SON AGENCE INTERNE DE CONSULTANTS

Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a inauguré en mars dernier le premier cabinet de conseil interne à l’État, qui compte une soixantaine de « consultants fonctionnaires. »

C’est évidemment un budget conséquent.

  • Va-t-il pour autant restreindre drastiquement les recours aux cabinets extérieurs ?

Ce sera au Parlement, et surtout au Sénat, de contrôler avec la plus grande attention ces dépenses, notamment lors de la prochaine loi de finances.

Focus sur la crise sanitaire au plan international

La commission a eu accès à des documents qui dévoilent l’intervention des consultants de McKinsey sur des choix sanitaires majeurs.

Qu’il s’agisse du confinement, des test PCR, des campagnes vaccinales, des aides Covid, puis des stratégies de déconfinement, McKinsey a joué un rôle crucial dans les décisions appliquées par les autorités de santé et les ministères concernés. 

D’autres pays ont d’ailleurs décliné les mêmes politiques, conseillés par les mêmes cabinets, dans la même opacité. Durant la pandémie, McKinsey avait pour clients les États-Unis, la France, Allemagne, le Royaume-Uni, le Mexique entre autres.

Au Quebec, une enquête menée par Radio-Canada révèle les mêmes stratégies d’infiltration et de décisions. Comme ailleurs, le vaccin Pfizer lui a été fortement recommandé par McKinsey, qui a pour client le groupe Pfizer.

Sujet annexe : pourquoi McKinsey a annoncé quitter la France ?

On peut l’expliquer par 3 raisons majeures :
1 -L’image et la réputation du cabinet sont considérablement ternies
depuis les révélations de la Commission d’enquête du Sénat.

Aujourd’hui, la « marque » McKinsey incarne en France l’ensemble des dérives associées à ces grands cabinets de conseil internationaux. Même s’il en existe quelques autres, c’est McKinsey qui a bénéficié le plus des contrats publics, notamment dans la crise sanitaire avec plus de 12 millions d’euros.

2 –Depuis les révélations sur son omniprésence et son influence au cœur de l’Etat, McKinsey sait qu’il aura probablement moins de commandes publiques et que le marché Français ne sera plus aussi intéressant pour lui qu’il ne l’a été jusqu’ici.

De plus, le texte de loi qui vient d’être adopté au Sénat le 18 octobre fixe un cadre réglementaire inédit. Espérons d’ailleurs qu’il soit inscrit à l’Assemblée comme l’a promis le ministre.

3 Enfin, il y a les poursuites judiciaires contre le cabinet pour des raisons fiscales.